Cahier de Généalogie

Wikitree et les communs généalogiques

Dès que j'ai commencé à m'intéresser vraiment sérieusement à la généalogie, quelques principes m'ont paru évidents de prime abord, et le temps n'a fait que renforcer mes convictions.

La première évidence est que la généalogie doit être un travail collaboratif. Plus nous remontons le temps, moins nos ancêtres nous appartiennent, plus ils ont de descendants. Au bout de quelques dizaines de générations, voire peut-être moins, nous avons tous les mêmes ancêtres, et donc tous les humains sont peu ou prou cousins. Nous partageons tous les mêmes communs généalogiques. La généalogie est une façon de voyager dans cette histoire commune, en la tissant de relations familiales. Comme de plus, le travail de la généalogie est long, souvent fastidieux, sujet aux erreurs de lecture, d'interprétation, de copie, il parait raisonnable de faire chacun sa part dans cette tâche, d'en rassembler les fruits, de ne pas dupliquer inutilement ce qui a déjà été fait sérieusement.

Une deuxième évidence est que ces communs généalogiques, à l'heure du Web, devraient être accessibles à tout un chacun et ne pas faire l'objet d'un commerce. Il existe bien des solutions pour partager en ligne sa généalogie, mais beaucoup s'appuient sur un modèle économique qui rend de facto payantes des informations qui devraient être libres d'accès. La généalogie fait l'objet d'une vaste industrie dont les grands acteurs dégagent des millions de dollars de revenus. Des plates-formes qui se disent collaboratives, comme Geneanet, incitent de fait à la duplication des données. Chaque utilisateur est "propriétaire" de "son" arbre, et s'il veut accéder à des bibliothèques de documents, payer une offre "Premium". L'accès à chaque document de ces bases sera donc payé par chaque utilisateur.

Une troisième évidence est qu'une solution de partage en ligne de données généalogiques doit gérer sérieusement la question de la frontière entre données publiques et données privées. Chacun doit pouvoir s'attacher à l'arbre de la grande famille humaine sans exposer nécessairement ses proches, qu'ils soient vivants ou récemment décédés.

Enfin, mes convictions et mon parcours professionnel dans le domaine des données liées m'incitaient naturellement à considérer de près la question des standards de représentation, l'état des lieux de la généalogie dans le Web des données est explorée ici.

Malheureusement, les solutions les plus utilisées sur le marché sont loin de satisfaire tous les critères énoncés ci-dessus, et après quelques expériences décevantes j'ai renoncé à les utiliser. J'ai finalement choisi récemment de rattacher mon arbre aux communs de Wikitree, un espace collaboratif où des centaines de milliers d'utilisateurs ont déjà rassemblé en un peu plus de dix ans d'activité le profil généalogique de plus de vingt millions de personnes. La philosophie collaborative de Wikitree correspond assez exactement aux principes évoqués plus haut. Sa gestion de la vie privée, avec plusieurs niveaux d'accès aux données, du plus strictement privé au totalement public, est sérieusement pensée. Aucune personne vivante ne peut être incluse en vue publique, sauf les utilisateurs inscrits qui sont responsables de ce qu'ils montrent d'eux-mêmes. Les personnes nées il y a plus de 150 ans et/ou décédées depuis plus de 100 ans sont toutes publiques.

Wikitree a été lancé en 2008 aux USA, et les utilisateurs sont encore majoritairement du Nouveau-Monde, souvent à la recherche de leurs racines européennes. L'internationalisation progresse lentement mais sûrement, même si l'interface est encore uniquement en anglais, les pages d'aide sont en cours de traduction, là aussi une tâche collaborative dans l'esprit Wiki. Une collaboration avec Wikidata est en cours, à ce jour (avril 2019), un peu plus de 60000 personnes dans Wikidata ont un identifiant Wikitree.


© 2018-2019 Bernard Vatant - dernière modification : 2019-04-19