Cahier de Généalogie

On hérite de sept générations!

C'était la formule inévitable de ma tante Marie Sidonie Vatant quand on cherchait des ressemblances sur les photos de famille dont ses murs étaient couverts, sans compter toutes celles qui étaient rangées dans des albums. "Sido" était la mémoire généalogique de la famille, et mon grand regret est de ne pas avoir pris des notes lorsqu'elle passait en revue les dites photos. Je me demandais quand même, sans avoir jamais osé lui poser la question, pourquoi ce nombre sept plutôt que trois, ou dix, ou cent, ou mille? Après tout, on hérite peu ou prou de tous les vivants qui nous ont précédés depuis la nuit des temps.

D'ailleurs combien d'ancêtres chacun de nous possède-t-il à la septième génération? Sido avait peut-être fait le compte, car elle était plutôt bonne en calcul. Au maximun 128, souvent un peu moins si on trouve dans ces générations quelques mariages entre cousins, ce qui était le cas, comme on peut le constater sur l'arbre de ses ascendants. Cet arbre est exhaustif jusqu'à la sixième génération, et je travaille à compléter la septième. François-Marie Vatant et Catherine Favennec, les parents de Sido (mes grands-parents, donc), ont des ancêtres communs bien avant la septième génération, par exemple Anne Le Bournot (1750 - 1788). Rien d'extraordinaire dans des temps et des lieux où on ne se mariait guère en-dehors du village ou du canton.

Une grosse centaine pour faire simple, sept générations représentent un nombre d'ancêtres suffisament petit pour qu'on puisse tous les recenser avec un peu de chance et de travail, et même les retenir individuellement si on a bonne mémoire. C'est aussi déjà suffisament grand pour considérer que la part d'héritage qui provient de chaque ancêtre plus lointain est bien mince. Cela semble donc une limite raisonnable à la recherche généalogique.

Sidonie est née en 1911, ses ancêtres de la septième génération sont nés sous le règne de Louis XIV. C'est déjà de l'histoire ancienne, mais pas assez pour la plupart des généalogistes amateurs qui espèrent remonter bien plus loin dans le passé à la recherche de leurs origines, notables de préférence, et pourquoi pas royales si faire se peut. Alors pour ne pas déroger, j'ai joué à ce petit jeu-là, et renoué comme un paysan des bouts de ficelles généalogiques glanés ici et là. Sido, tiens-toi bien, tu te croyais pauvre fille de générations de paysans analphabètes et bretonnants, nés sabots aux pieds depuis la nuit des temps à Paule, Glomel, Maël-Carhaix et autres lieux? Regarde un peu, je t'ai trouvé une reine dans tes ancêtres. Et pas n'importe laquelle! Et après elle rien que du beau monde, des aotrounez sur vingt générations!!

30 - Aliénor, duchesse d'Aquitaine, reine de France et d'Angleterre (1122-1204) & Henri II Plantagenêt, roi d'Angleterre (1133 - 1189)
29 - Aliénor d'Angleterre (1162-1214) & Alphonse VIII, roi de Castille (1155 - 1214)
28 - Bérengère 1ère, reine de Castille (1180 - 1246) & Alphonse IX de León (1171 - 1230)
27 - Bérengère de León (1198 - 1237) & Jean de Brienne (1168 - 1237)
26 - Louis de Brienne (1235 - 1297) & Agnès de Beaumont-au-Maine (1235 - 1301)
25 - Jeanne de Beaumont-Brienne, dame de Loué (1263 - 1310) & Guy VIII de Laval (ca.1245 - 1295)
24 - Philippa de Laval (ca.1288 - 1350) & Guillaume de Rochefort (ca.1282 - 1347)
23 - Blanche de Rochefort (ca.1325 - ?) & Guy VI de Molac (1335 - 1410)
22 - Aliette de Molac (ca.1355 - 1408) & Olivier III de La Chapelle (ca.1340 - av. 1375)
21 - Olivier IV de La Chapelle (? - ap.1437) & Catherine Malor (1371 - ?)
20 - Guyon de La Chapelle (ca.1390 - 1426) & Beatrix de Penhoët (1390 - 1439)
19 - Mabille de La Chapelle, dame de Molac et Pestivien & Olivier Phélippes, Seigneur De Kerauffret
18 - Alain Phélippes, seigneur de Kerauffret (? - 1489) & Anne de Kergolay
17 - Jeanne de Coatgoureden (1465 - ?) & Olivier Huon (1450 - ap.1481)
16 - Catherine Huon & Jehan Jégou
15 - Jean Jégou, seigneur de Kerguinezre (ca.1470 - av. 1534) & Guillemette Hamon, dame de La Haye
14 - Jacques Jégou, seigneur de Kerguinezre (ca.1500 - av. 1564) & Marie de Castello (ca.1500 - av. 1564)
13 - Guillaume Jégou de Kervilio (ca.1526 - ca.1591) & Louise de Cameru (ca.1530 - ca.1580)
12 - Ollivier Jégou de Kervilio (ca. 1578 - 1650) & Catherine Garzmeur
11 - Guillaume Jégou, sieur de Roc'h an Bosc (1606 - 1669) & Jeanne Chevance
10 - Jan Jégou (1629 - 1672) & Catherine de Kerenor (ca.1630 - 1704)
9 - Guillaume Jégou (1659 - 1709) & Françoise Bernard (1665 - 1704)
8 - Alexise Josèphe Jégou (1698 - 1769) & Yves Pennamen (1701 - 1773)
7 - Marie-Mathurine Pennamen (1717 - 1772) & Pierre Le Bihan (1717 - 1788)
6 - Louise Le Bihan (1757 - 1804) & Pierre Hamonou (1762 - 1795)
5 - Jean-Louis Hamonou (1782 - 1843) & Anne Le Follezou (1786 - 1852)
4 - Marie-Anne Hamonou (1812 - 1873) & Jean-Joseph Marie Vatant (1804 - 1875)
3 - François-Marie Vatant (1850 - 1926) & Catherine Penanguer (1854 - 1944)
2 - François-Marie Vatant (1886 - 1959) & Catherine Favennec (1886 - 1974)
1 - Marie Sidonie Vatant (1911 - 1999) & Robert Le Guillard (1906 - 1982)

NB : Tous les noms soulignés sont liés à leur profil dans WikiTree.

"Dis donc, dis-donc, dis donc ...", se serait exclamée Sido si elle était encore du monde (comme elle disait) ... "mais comment tu as trouvé tout ça?".

Bonne question, ma tante! Dans quelle mesure effectivement tout cela est-il crédible? Les générations 1 à 10 sont solidement étayées par les actes d'état-civil et les registres paroissiaux, consultables en ligne sur les Archives Départementales des Côtes d'Armor. La filiation de Guillaume Jégou (génération 11) est sujette à caution, mais repose sur un faisceau de présomptions assez solides. Plus haut, les générations 12 à 15 sont documentées dans des études généalogiques sérieuses sur la famille Jégou de Kervilio, du Laz, et autres lieux, appuyées sur des documents vérifiables.

Les générations les plus anciennes comprennent des personnages suffisament notables pour qu'on puisse faire confiance aux historiens. Restent huit générations intermédiaires au moins, pour lesquelles on ne peut s'appuyer sur rien de vraiment solide : Roglo qui ne cite jamais vraiment les sources primaires, les arbres Geneanet qui se copient les uns les autres etc. Bref, entre 1300 et 1500, le fil est passablement fragile. Il faudrait du temps et de la patience pour arriver à consolider tout cela, et je ne suis pas persuadé qu'on arrive à quelque chose de convaincant au bout du compte.

Et quand bien même on y arriverait, et en admettant que toute cette chaîne de descendance soit valide, son importance est tout à fait anecdotique. Ce fil d'or et de soie qui a attiré mon attention au milieu du solide toron de chanvre de nos ancêtres paysans, s'il est indéniablement présent à la dixième génération, n'est que cela : un fil perdu au milieu de mille autres, et qui n'a pas plus d'importance ni de solidité que les autres. Et au bout de vingt ou trente générations, ce n'est plus de milliers de fils dont on parle, mais de millions. Aliénor n'est qu'une parmi les millions d'ascendants de Sidonie, et Sidonie n'est qu'une parmi les millions de descendants d'Aliénor. La belle affaire ...


© 2021 Bernard Vatant - dernière modification : 2021-08-01