TEXTUM INFINITUM Un billet d’Elen Brig Koridwen ce soir me pose question comme un nuage gris dans un ciel serein. Elen est la personne qui m’a introduit très simplement il y a peu, et sans me connaître, dans cette communauté des auteurs indépendants que je découvre depuis avec « rien que du bonheur » … pour le moment. Du bonheur de l’auteur, voilà ce dont Elen nous parle, justement. Et son billet a des accents de « Il n’y a pas d’amour heureux« . Elle nous dit sa frustration devant le succès d’ouvrages creux et démagogiques, alors que des ouvrages façonnés avec intelligence et talent sont superbement ignorés. Oui, bien sûr, disons-le ici au risque de passer pour un affreux élitiste, la foule est stupide, et les média l’entretiennent à plaisir dans cet état. Georges Brassens quand il ne chantait pas Aragon le disait jadis en termes plaisants, dont chacun se souviendra. Rien ne change. Le diamant est caché dans la boue. Je ne retrouve pas le poème ancien qui disait ça, mais mon moteur de recherche favori m’a ramené un fort joli billet d’humeur du même titre sous la Plume d’Aliocha, qui concluait il y a quelques années sur une note optimiste et combative. Il n’est jamais trop tard pour partir à la reconquête, millimètre par millimètre, du terrain investi par la bêtise et la vulgarité. J’invite tous les blogueurs et les internautes qui me lisent à y ajouter leur maillon. C’est la réponse la plus utile que l’on puisse apporter, me semble-t-il, à l’indignation et à la colère dont nous sommes légitimement saisis face aux errances du système… Notre bonheur d’auteur n’est-il pas en effet de participer un tant soit peu à cette résistance, à cette reconquête? De retisser jour et nuit la toile infinie de l’intertextualité? Notre solitude est illusoire. Nous ne sommes pas vox clamans in deserto. Même dans les affres de la nuit la plus noire des doutes de l’écriture, nous ne sommes jamais seuls. Nos lignes ne sont pas des bouteilles à la mer. Elles sont tramées d’innombrables fils d’écriture et de lecture qui se nouent entre nos mains. Elles appareillent vers des rivages inconnus pour que d’autres s’en emparent et les prolongent et les tissent à nouveau. Comme écrit dans un précédent billet expliquant (ou pas) le sous-titre de ce blog, et au risque de me répéter, nous écrivons pour réparer le monde que les mots ont séparé. Et qu’importe si certains fils disparaissent un instant, suspendus, apparemment oubliés. Quelqu’un finira bien par les rattraper et les renouer à sa propre toile. Un alter ego, répondant lui aussi à la question « Pourquoi j’écris, en réalité? » a naguère fourni quelques éléments de réponse un peu différents, dans une autre langue, et dans un autre contexte. J’en retiens celui-ci. J’aime l’idée que ces pages soient ni plus ni moins faciles d’accès que les lieux que j’aime dans mes montagnes. Ni impossibles à atteindre, ni très signalés, accessibles par des chemins ni trop difficiles, ni trop évidents. Qu’importe si nos pages restent peu fréquentées, si ceux et celles qui les parcourent s’en délectent comme d’un chemin de montagne, exigeant, vivifiant, et menant à une vision unique sur le monde! Publication originale Ewen Penanguer : https://penanguer.wordpress.com/2017/06/20/textum-infinitum/